10 idées reçues sur le cancer du sein
Un tiers des cancers détectés chez la femme sont des cancers du sein. Le traitement hormonal substitutif, les déodorants ou encore le dépistage organisé sont souvent accusés de l’augmentation du nombre de diagnostics.
Les facteurs de risques
La pilule (et la contraception hormonale en général) est souvent accusée d’augmenter le risque de cancer du sein. Le Pr Richard Villet, président de la Société française de sénologie et de pathologie mammaire, répond : « Le risque de cancer du sein augmente légèrement avec la prise de contraceptifs oraux, mais il est vraiment si minimeque la contraception hormonale (pilule, stérilet, implant) peut être prise par toutes les femmes qui n’ont pas de contrindications (hypertension, etc.) et en analysant le bénéfice par rapport aux risques. »
Déconseillée après un cancer du sein
Cependant, après un cancer du sein, il faut être prudent : « La contraception hormonale est formellement déconseillée aux patientes qui ont eu un cancer du sein ou qui font partie d’une famille porteuse du gène BRCA1 ou BRCA2 (prédisposant au cancer du sein). Pour ces femmes, il est préférable d’en parler avec son gynécologue et d’évaluer l’intérêt des contraceptions non hormonales (stérilet en cuivre, préservatif, etc.) », précise le Pr Villet.
De manière générale et pour toutes les femmes, le choix du type de contraception (hormonale ou non) doit être fait en concertation avec le gynécologue, en prenant en compte les antécédents et le profil génétique de chacune pour une décision adaptée et personnalisée.
Mis au point au milieu des années 80, le traitement hormonal substitutif (THS) a rapidement connu un grand succès auprès des femmes qui pouvaient alors mieux vivre la ménopause, sans ses désagréments. Plus tard, la célèbre étude WHI a conclu que ces THS augmentaient le risque de cancer du sein, ce qui a mis un frein aux prescriptions de ces traitements. De là est née la rumeur selon laquelle les THS entraîneraient une augmentation des cancers du sein.
Le Pr Villet explique la suite : « Cette étude a ensuite été détaillée et contenait de nombreux biais qui l’ont invalidée (femmes de l’étude très âgées, hormones fortement dosées, prises par voie orale). Mais elle a laissé des traces et certaines femmes s’en méfient encore. Aujourd’hui, on sait que les THS augmentent très légèrement le risque de cancer du sein, surtout quand il est pris plus de 10 ans et chez les femmes très âgées. Il faut donc mettre en balance le bénéfice/risque du traitement et l’utiliser uniquement pour les femmes qui en ont besoin et pour une durée limitée. »
Les THS ne doivent donc pas être diabolisés car ils peuvent être utiles à certaines femmes : « Il faut insister sur le fait que si certains symptômes de la ménopause peuvent être traités autrement, seul le THS peut diminuer les bouffées de chaleurs, ingérables pour de nombreuses femmes » ajoute le Pr Villet.
Après un cancer du sein ?
La prescription d’un traitement hormonal substitutif chez une femme guérie d’un cancer du sein est actuellement contrindiquée.
Une rumeur a accusé les déodorants et notamment les sels d’aluminium qu’ils contiennent, d’augmenter les cancers du sein. Il n’en est rien selon le Pr Villet : « Non, les déodorants n’y sont pour rien. Des études ont d’ailleurs été faites ensuite et ont prouvé qu’il n’y a pas de lien. » Vous pouvez donc continuer à les utiliser sans crainte.
Autre idée reçue : manger du soja serait dangereux pour les femmes qui ont eu un cancer du sein. Là encore, le professeur est catégorique : « Non, il n’y a pas d’effet prouvé. Les femmes, qui ont eu un cancer du sein, comme celles qui n’en ont pas eu, peuvent en consommer. D’ailleurs l’alimentation courante contient fréquemment des dérivés du soja. il n’y a pas d’intérêt de prendre des compléments alimentaires de soja. »
Les facteurs de risques démontrés
Le tabac est cancérigène et peut augmenter entre autres le risque de cancers comme l’explique le Pr Villet : « En fait, il augmente surtout le risque de cancer du poumon. Son effet dans le cancer du sein est plus faible. Mais évidemment ça reste un agent cancérigène et donc potentiellement du cancer du sein également. »
« On sait aussi que le surpoids et l’obésité peuvent augmenter légèrement le risque de cancer du sein. A l’inverse, on sait également que l’activité sportive importante réduit le risque. » Dans tous les cas il est donc préférable de ne pas fumer et d’avoir une activité sportive régulière pour éviter le surpoids et l’obésité.
Et l’alcool alors ? « Concernant l’alcool, il y a toujours du pour et du contre. La seule chose qu’on peut vraiment dire c’est qu’un verre par jour ce n’est pas toxique. Mais le mieux reste de vivre une vie saine et sans excès. Ce sont les excès qui dérèglent et peuvent entraîner des maladies », conclut le Pr Villet.
Les traitements
Un livre récemment édité (« No Mammo ? », de Rachel Campergue, aux éditions Max Milo)
dénonçait un surdiagnostic dû au dépistage organisé du cancer du sein en France. Pourtant, pour le Pr Villet, c’est une erreur de penser ainsi : « Le dépistage organisé et le dépistage dit sauvage (non lié au programme national, c’est-à-dire lorsque les médecins prescrivent eux-mêmes une mammographie) permettent un diagnostic fiable et précis des cancers du sein en France. Ces dépistages ont également servi à améliorer la qualité des diagnostics et des traitements des patientes. »
Le surdiagnostic dénoncé dans le livre concerne les femmes qui ont une anomalie sur la mammographie et qui se font traiter pour retirer une petite tumeur alors que celle-ci aurait pu ne pas augmenter, voire régresser, pendant le reste de leur vie. Mais dans le même temps, personne ne peut assurer que cette tumeur repérée n’augmentera jamais. Pour le Pr Villet : « Il y a peut-être un petit surdiagnostic, mais c’est aussi ce qui fait la preuve de la qualité du dépistage ! Contrairement au cancer de la prostate, le cancer du sein n’a pas de marqueurs spécifiques repérables par une simple prise de sang. »
D’ailleurs si l’incidence des cancers a augmenté au cours de ces dernières années, on observe également une évolution favorable de l’efficacité des traitements. Le diagnostic plus précoce des tumeurs est sans aucun doute la raison principale. Et c’est sans compter les progrès thérapeutiques qui permettent aujourd’hui aux femmes traitées précocement de continuer à vivre normalement des années après leur traitement.
Trop tard 50 ans ?
Le dépistage organisé concerne les femmes qui ont entre 50 et 75 ans. Pourquoi 50 ans et pas plus tôt ? Le Pr Villet explique : « Le pic d’incidence du cancer du sein est à 54 ans. Pour les plus jeunes, c’est aux femmes et à leur médecin d’évaluer, selon le contexte familial, l’utilité ou non de faire une mammographie avant 50 ans. Ces mammographies « hors dépistage organisé » sont également remboursées par la Sécurité sociale. »
Non, la chimiothérapie n’est pas la seule thérapie ! Les traitements sont nombreux et varient en fonction de nombreux critères que les médecins prennent en compte : le type de cancer, le stade, l’âge de la femme, etc.
La chirurgie est une étape importante : elle permet non seulement de retirer la tumeur mais aussi de l’analyser et donc de connaître plus précisément le type et le stade du cancer. Selon les résultats de la mammographie et des biopsies pré-opératoires, le chirurgien réalisera soit une mammectomie (l’ensemble du sein est retiré, par exemple en cas de tumeur diffuse), soit une tumorectomie (aussi appelée chirurgie conservatrice car le sein est conservé et seule la tumeur est retirée avec une marge de sécurité).
Selon les résultats de l’analyse des échantillons chirurgicaux, les médecins peuvent ensuite élaborer un traitement personnalisé pour chaque patiente.
Radiothérapie, hormonothérapie
Le plus souvent, la radiothérapie agit en complément du geste chirurgical. Elle est systématique en cas de traitement conservateur mais est aussi courante après une mastectomie pour tumeur infiltrante.
Les modalités de la chimiothérapie et ses indications sont en constante évolution. Le bénéfice apporté par la chimiothérapie est d’autant plus important quand il y a des facteurs de mauvais pronostic.
L’hormonothérapie doit être réservée aux patientes dont la tumeur est dite hormono-dépendante, c’est-à-dire qu’elle exprime des récepteurs hormonaux RH+. Ces récepteurs sont recherchés lors de la biopsie post-chirurgicale.
La prise en charge du cancer du sein est totalement personnalisée en fonction de la femme et de son cancer. Il n’y a pas un seul médicament contre le cancer du sein mais des traitements sur mesure pour une meilleure efficacité.
Face à cette affirmation, le Pr Villet réagit vivement : « Non, la mastectomie n’est pas l’unique option ! En fait, en France, on estime qu’il y a eu 27 % de mastectomie chez les femmes ayant un cancer du sein (chiffre pour les années 2005-2008). »
Cela signifie que 7 femmes sur 10 bénéficient d’un traitement conservateur. La mastectomie est donc loin d’être une généralité en France. Aux Etats-Unis en revanche, elle est plus fréquente car ils appliquent le principe de précaution.
« La tumorectomie entraîne un risque plus important de récidive mais n’augmente pas la mortalité. Ça signifie donc qu’il y a plus de risque de faire un autre cancer du sein mais pas plus de risque d’en mourir », précise le Pr Villet.
De toute façon, ce n’est ni le médecin ni la patiente qui choisissent le traitement mais le cancer qui le détermine : « Lorsqu’on a affaire à un cancer de forme diffuse, la mastectomie est la seule option, ctie qui arrive dans environ 30 % des cas », explique le Pr Villet.
Après une mastectomie, la reconstruction est presque toujours possible et systématiquement proposée aux femmes, sauf contrindications (à l’anesthésie par exemple). Le Pr Villet tempère néanmoins : « Le résultat esthétique est variable : il dépend d’une part du traitement reçu (radiothérapie ou non), de la qualité de la peau et du type de morphologie mammaire. » Il est également possible, dans certains cas, de faire une reconstruction immédiate, au cours même de l’opération de mastectomie.
Dans les faits, trois femmes sur dix seulement demandent une reconstruction de leur sein. Ça peut paraître faible mais les médecins l’expliquent par trois hypothèses. La reconstruction peut être refusée pour :
– des raisons médicales (peau de mauvaise qualité, mauvaise cicatrisation, contrindication à l’anesthésie, etc.),
– des raisons psychologiques (la femme ne veut plus entendre parler de chirurgie, peur des complications),
– des raisons financières (les délais pour obtenir ce type de chirurgie peuvent être longs dans le public et le prix des hôpitaux privés peut être une barrière à la reconstruction).
Acceptation du nouveau corps
Une enquête de l’Institut Curie a demandé aux femmes pourquoi elles avaient refusé la reconstruction. Une partie explique leur peur que cette reconstruction puisse dissimuler une récidive, « ce qui est pourtant faux, la mammographie après reconstruction est aussi précise », insiste le Pr Villet. Par ailleurs, toujours selon cette enquête, certaines femmes expliquent simplement qu’elles ont accepté ce nouveau corps, de même que leur conjoint.
L’hérédité et la fertilité
C’est une idée reçue qui a la vie dure : toutes les femmes d’une même famille sont concernées si l’une d’entre elles développe un cancer du sein. « Il faut rassurer les femmes : ce n’est pas parce que leur mère a eu un cancer du sein qu’elles en auront un automatiquement ! On compte en moyenne 10 % de cancers du sein liés aux mutations génétiques BRCA1 et BRCA2 », tempère le Pr Villet.
Il est donc relativement rare que le cancer soit « familial ». En fait ces cas sont repérables : ils sont généralement liés à l’âge d’apparition des cancers. Le Pr Villet explique : « Lorsqu’un cancer du sein est diagnostiqué avant 40 ans ou qu’il y a dans la famille également des cancers des ovaires, il est possible qu’il y ait une cause génétique. Mais encore une fois, ce n’est pas automatique. »
C’est faux, le cancer du sein ne diminue pas la fertilité de la femme. Par contre, les traitements, comme la chimiothérapie, peuvent entraîner une diminution du nombre des ovocytes, voire une ménopause précoce chez les femmes qui approchent de la quarantaine (qui n’avaient donc presque plus d’ovocytes). Mais si la ménopause n’est pas installée, il n’y a pas de contrindications à la grossesse pour les femmes qui ont eu un cancer du sein. « En général, explique le Pr Villet, on conseille aux femmes en âge de procréer d’attendre un an après la fin du traitement pour tenter une grossesse. »
Le pic d’incidence du cancer du sein étant de 54 ans en France, les femmes désirant une grossesse après le traitement de leur cancer ne sont pas nombreuses. Mais dans des cas exceptionnels comme un cancer chez une jeune femme, il est possible de préserver ses ovocytes.
Le seul problème potentiel, c’est le manque de temps, comme l’explique le Pr Villet : « Lorsque le cancer est diagnostiqué, notamment chez des jeunes femmes, et qu’il est nécessaire d’avoir recours à la chimiothérapie, c’est que le cancer est agressif et qu’il faut aller vite ! On ne fait des congélations d’ovocytes que pour les cas exceptionnels mais ça reste marginal pour le moment. »
On le sait, l’allaitement est bénéfique pour le nouveau-né car il bénéficie des anticorps maternels et est moins vulnérable aux infections. Mais l’allaitement est aussi bénéfique pour la mère. Il diminue en effet le risque de cancer du sein. Le Pr Villet précise : « C’est vrai lorsque l’allaitement dure plus de 3 mois. »
Avoir des enfants tôt
Saviez-vous que le fait d’avoir des enfants avant 30 ans diminue également le risque de cancer du sein ? Grâce aux hormones de la grossesse, les seins sont plus matures et développent moins de cancers.
Le Pr Villet nous explique : « Plus le sein est mature et moins il y a de risque. L’allaitement, comme la grossesse, permettent d’atteindre cette maturation. Donc on conseille aux femmes d’avoir leur premier enfant avant 30 ans, mais en fait le plus tôt est le mieux ! »
Source: //sante.journaldesfemmes.com